S’appuyant sur des témoignages, des chiffres, des cartes ou encore les publications des nouveaux historiens israéliens, l’auteur, dans un récit au style abordable par le plus grand nombre, revient à son tour sur l’aventure sioniste, sur les guerres au Proche-Orient et sur le processus de paix israélo-palestinien. Il rend hommage au passage à Ilan Halevi, dont la lecture lui a fait découvrir que « sous Israël il y a la Palestine » [1], ou à Israël Shahak, ancien président de la Ligue des droits de l’Homme en Israël, qui a dénombré les villages palestiniens détruits et a toujours été attentif aux prises de position coloniales de la presse israélienne. Parmi ses sources, aussi : des recensements, des documents officiels, des récits de consuls russes, britanniques, français, d’anciens militants sionistes et d’immigrés juifs dans ce qui deviendra Israël, qui racontent...
Sous Israël, la Palestine...
Dans la première partie du livre, Lucas Catherine revient sur l’histoire de la Palestine depuis le VIIème siècle. Région agricole, terre de pèlerinage dont Jérusalem, la capitale, est déjà une ville cosmopolite. Il revient ensuite sur le début du mouvement sioniste. Puis sur la guerre de 1948. Il rappelle que, comme aux Amériques, la colonisation de la Palestine est de peuplement. Il revient sur la thèse précoce d’« Un pays sans peuple, pour un peuple sans pays » car, résumera Golda Meir en 1969 « il n’existe pas, et il n’a jamais existé de peuple palestinien ». Lucas Catherine liste les différentes lois - nationalité, propriété des absents, lois d’urgence, d’exception... - qui ont permis à Israël d’occuper la majeure part du territoire palestinien, montrant qu’une telle profusion de textes et de précautions « légales » indique au contraire la volonté de s’attaquer à une véritable structure sociale urbaine et agricole, à une société constituée. L’auteur rappelle les étapes d’une entreprise coloniale et de ses soutiens, jusqu’à celui, aujourd’hui, de « l’Empire » américain...
Une catastrophe humaine
Lucas Catherine dresse un tableau implacable du résultat actuel de cette entreprise coloniale, de la situation des réfugiés à la crise humanitaire en Palestine... Dans les derniers chapitres, après avoir évoqué l’ascension et le déclin de l’OLP, et les « trois guerres non déclarées » - celles de l’eau, contre les réfugiés et de Jérusalem - l’auteur dresse un bilan critique du processus de paix, processus parallèle à la poursuite de la colonisation...
Si les sources sur lesquelles s’appuie l’auteur, précises, fourmillent, on peut cependant regretter le flou de certaines références. Et même leur absence dans certains cas. Ainsi du chapitre dédié à la guerre des Six jours, où l’auteur évoque l’utilisation du napalm sur les populations civiles par l’armée israélienne [2]. Une accusation aussi grave est irrecevable sans sources documentées précises.
En revanche, l’auteur s’appuie tout au long de son livre sur les récits de quatre personnes, un Palestinien vivant en Israël, un Palestinien originaire de Cisjordanie occupée, un Belge habitant à Ramallah et lui-même. Il fait aussi appel, avec précaution, aux témoignages oraux, au subjectif dans l’histoire, conquis depuis fort longtemps ici par les historiens, mais encore refusé pour l’histoire de la
Palestine...
Lucas Catherine n’en est pas à son premier combat. Agé d’à peine vingt ans, il entame un périple au Liban, en Jordanie, en Syrie et en Palestine. En 1970 il tourne un documentaire, But when I am made hungry, sur les camps de réfugiés palestiniens en Jordanie et en Syrie et sur l’OLP, puis Filastin, thaman al salam (« Palestine, le prix de la paix »), sur les Palestiniens vivant en Israël. Il publie en 1978 son premier livre : Honderd jaar kolonisatie in Palestina,
(« Cent ans de colonisation en Palestine », EPO), voyage en 1982 au Liban, puis au Soudan et au Maroc où il écrit sur l’Islam et toujours sur la Palestine (dont De Palestijnen, een volk teveel ?
(« Les Palestiniens, un peuple de trop ? ») avec Noam Chomsky, en 1988, toujours aux éditions EPO.
Revenu en Europe, il poursuit ce travail et il est auteur de théâtre au Kunsten Festival des Arts en Belgique. Il travaille sur la mondialisation. Il devient membre du comité qui a porté plainte contre le Premier ministre israélien Sharon pour crimes contre l’humanité.
Depuis sa parution fin 2003, le livre a valu à l’auteur et à l’éditeur anathèmes et menaces : « cela a commencé par des menaces de mort proférées sur mon portable début novembre » nous a expliqué l’éditeur. « Une bande enregistrée récitait : " Paris est petit, on va te trouver, te mettre une balle entre les deux yeux, ça t’apprendra à faire le malin, petit Belge ". J’ai porté plainte contre X au commissariat à Paris. On m’a répondu que ces pratiques étaient courantes au sein des groupes d’extrême droite sionistes du Betar et de la Ligue de défense juive. Ensuite, nous apprenons le report la conférence de presse programmée au Centre d’accueil de la presse étrangère à Paris, en novembre dernier. Nous n’avons reçu aucune explication. » (*)
(*) Entretien avec Oliver
Rittweger, éditeur aux
éditions EPO.